dimanche 29 novembre 2009

Les raisins du Midi : Languedoc, Roussillon et Provence

Plutôt que de vous raconter ici ces régions viticoles, j'aimerais plutôt qu'on parte tous ensemble à la découverte de superbes vignobles dans les terres et en bordure de mer, dans le Midi si prisé pour sa chaleur (en Provence, j'ai ouï dire qu'ils prennent encore l'apéro sur les terrasses ces jours-ci), ses odeurs et ses saveurs... mais bon, je vais quand même essayer d'avoir un descriptif pas trop plate et ennuyeux pour vous donner le goût d'y aller par vous même un de ces quatre.

Le Languedoc est souvent associé au Roussillon, car ça nous facilite les choses pour expliquer cette vaste étendue de vignobles. Dans les deux cas, on a affaire à un climat Méditerranéen, très chaud et très sec. La moyenne annuelle des températures est de 15 degrés. Heureusement qu'il y a la mer pour apporter un peu d'humidité grâce aux vents (c'est quand même bien fait notre système planétaire!). Sachez que même si les sols sont pauvres et que les étés sont parfois très arides, les vignerons n'ont absolument pas le droit d'irriguer. Et parlant de vent, celui qui domine dans le Languedoc-Roussillon c'est la Tramontane. En Provence, c'est le Mistral.

Qui dit lumière et chaleur excessive, dit raisin très concentré en sucre et, par le fait même, en alcool. Donc pour atténuer le côté alcooleux des vins, on va pratiquer certaines techniques. On peut par exemple jouer sur les assemblages pour diminuer la teneur en alcool, diluer le vin avec de l'eau ou encore recourir à des levures spéciales qui vont bouffer le sucre. Sans dire que tous les vignerons font appel à ce genre de procédé, il faut savoir que ces méthodes existent et qu'elles sont acceptables en Languedoc et Roussillon.

Les terroirs sur une superficie aussi grande sont bien sûr variés à l'infini en termes de sol, d'altitude et d'exposition. Dans le Languedoc, les formations sont variées : il y a des schistes du primaire (Saint-Chinian, Faugères), des calcaires durs du secondaire (sols rouges de La Clape, des terrasses du Larzac et de Pic-Saint-Loup), des galets roulés du tertiaire, appelés localement "poudingues", et enfin des limons calcaires et marno-calcaires (La Clape, Pic-Saint-Loup, Montpeyroux, Picpoul-de-Pinet).

L'encépagement est dominé par la grenache, la syrah et le mourvèdre pour le rouge, le cinsault pour les rosés et une grande variété de cépages pour les blancs (grenache blanc, clairette, bourboulenc, piquepoul, rousanne, marsanne et rolle). Le seul vin monocopépage de la région est le Picpoul-de-Pinet fait à base de piquepoul (je sais pourquoi, mais ça sonne "pied de poule" à mes oreilles, avec l'air des années 80 qui va avec).

Seulement 18 % de la production est faite en AOC. On trouve surtout des vins de pays, des VQPRD (vin de qualité produit dans une région déterminée) et des vins de table. La grande spécialité de la région, les vins doux naturels (VDN). On fait donc du rouge, du blanc, du rosé, des vins doux et même des effervescents (tous dans le Languedoc). Vous aurez deviné avec cette description qu'il n'y a ici aucun grand cru ni premier cru. La hiérarchie qui prime est celle des terroirs. Y a du bon et du mauvais bien sûr mais au Québec ce qui arrive sur nos tablettes est généralement assez présentable et même parfois plutôt bon, même très bon. Autrement dit, y a moyen de s'intéresser au vin sans se ruiner.

La plus grande appellation du Languedoc occidental est le Minervois. La toute première à avoir été créée est Fitou en 1948. Sinon, on a les appellations Languedoc, Cabardès, Corbières, Saint-Chinian, Limoux (c'est là qu'on fait des bulles) et Rivesaltes (essentiellement des vins doux). Du côté oriental, les appellations sont Picpoul-de-Pinet, Pic-Saint-Loup et Faugères. Quand je vous dis que c'est vaste...

Si ça vous tente de découvrir un jour les mousseux de Limoux, sachez que le cépage dominant dans cette appellation est le Mauzac. Si vous choisisissez un Crémant, le Mauzac sera utilisé avec un complément de chardonnay et (ou) de chenin, mais la Blanquette de Limoux est 100 % Mauzac. Ça me tentait de vous dire ça compte tenu que je m'intéresse de plus en plus aux bulles et à leur degré d'effervescence. Et pis tout ça c'est la faute d'une de mes copines qui ne boit que des bulles. D'ailleurs je la néglige pas mal depuis que j'ai ce blog (c'est un test pour voir si elle me lit).

Fitou est répartie sur deux îlôts et on n'y produit que du rouge, du moins pour l'instant, car semble-t-il qu'ils vont bientôt nous concocter du blanc. Donc deux zones pour une même appellation, complètement différentes, ne bénéficiant pas du même climat. Du côté du littoral, l'influence de la Méditerrannée est bien présente, et les cépages carignan et grenache sont bien heureux dans la sécheresse estivale. Toutefois, les pluies peuvent être abondantes à l'automne, avant les vendages, et là y a risque de mildiou et d'oïdium (maladies fongiques = pourriture). Dans l'arrière-pays, isolé de la mer par un massif rocheux de 700 m, c'est plus sec et ça donne des vins plus proche des Corbières.

Corbières, c'est là qu'on trouve le climat le plus montagnard du Languedoc. Ici, entre les Pyrénées et le Massif cental, on a répertorié 11 terroirs spécifiques. Le relief est très accidenté. Beaucoup de sécheresse, et donc risque d'incendie l'été. De façon très générale, on dit des vins de Corbières qu'ils sont plus rudes que ceux du Minervois.

Les vignobles mitoyens de Saint-Chinian et de Faugères sont implantés sur des sols schisteux à caractère feuilleté qui permettent un bon enracinnement des vignes. On fait donc des rouges à base de carignan, de grenache, de syrah et de mourvèdre assez équlibrés.

Plus à l'ouest à côté de ces deux appellations, dans la grande appellation du Languedoc, on a répertorié plus d'une dizaine de terroirs, qu'il serait beaucoup trop long d'expliquer en détail ici. Mais si je vous dis La Clape, Pic-Saint-Loup, Montpeyroux, La Méjanelle, Saint-Drézéry, Picpoul de Pinet, les Terrasses du Larzac et les Grès de Montpellier, vous y êtes.

Enfin, le Minervois, adossé à la Montagne Noire, est un espèce de méga amphithéâtre orienté plein sud qui descend par paliers successifs sur près de 60 km d'est (Narbonne) en ouest (Carcassonne) et en moins de 20 km du nord au sud, sur des dénivelés de 50 m à 350 m. J'ai cherché en vain des photos pour mieux vous situer. Ce sera pour une prochaine fois.

Le Roussillon enchassé dans les piedmonts des Pyrénées au bord de la Méditerrannée est surtout réputé pour ses vins doux naturels (Banyuls, Maury, Rivesaltes et Muscat-de-Rivesaltes), mais les vins rouges secs se trouvent dans les aires d'appellation Côtes-du-Roussillon, Côtes-du-Roussillon-Villages et Collioure . L'encépagement pour les VDN sont les trois variétés de grenache, noir, rose et gris, le macabeu, la malvoisie du Roussillon (également appelé tourbat) et les muscats à petits grains et d'Alexandrie. Sinon, pour les rouges secs, on est toujours sur de la syrah, du mourvèdre, du carignan et puis du lledoner pelut (qui se fait de plus en plus rare). Des vignobles spectaculaires à flanc de coteaux abrupts, aménagés en terrasses. On n'est pas dans le Douro, au Portugal, mais vous voyez le genre.

Si on continue notre périple vers l'est, donc vers, l'Italie sur la côte Méditéranéenne, on arrive dans le pays du rosé, la Provence. Sortez les olives, la tapenade, la pissaladière, la bouillabaise et l'ailloli. Il fait soleil en moyenne 2 700 à 2 900 heures par année. Si mes calculs sont bons, ça veut 240 jours complets de soleil sur les 365 compris dans une année. Ça donne soif. Pas de problème, le rosé coule à flots (75 % de la production).

En plus des cépages que je vous ai déjà nommés pour le Languedoc-Roussillon, on cultive en Provence le cépage noir local le Tibouren dont on se sert pas mal pour le rosé. Y a d'autres cépages inusités, dont je vais juste m'amuser à donner le nom (à vous d'en deviner la couleur) : la counoise, le calitor dit "pécouitouar", le braquet, la folle noire dite "fuella", le mayorquin et le pignerol.

Y a bien sûr la diversité des reliefs, selon qu'on se trouve dans l'arrière-pays ou plus sur le littoral, et qui dit relief, dit micro-climat. La Méditérannée apporte des pluies abondantes surtout concentrées à l'automne pendant les vendanges et au printemps, mais plus on va dans l'arrière-pays, plus c'est sec et chaud. En plus du Mistral, les vents sont nombreux et ils font partie intégrante du climat et des micro-climats.

Ma seule incursion dans cette région remonte à 1992 et je peux seulement vous dire que c'est pour moi à part la Toscane le plus beau climat de la planète. J'ai dû être Méditéranéenne dans une autre vie, et côté hormones, c'est le plus beau climat pour une femme comme moi. Mais bon, je m'égare, car le vin que je bois ce soir est trop bon.

Ce qui veut dire que si j'étais un cépage, je me planterais à quelque part en Provence. À Bandol, à Cassis, dans les Baux de Provence, à Palette ou à Bellet près de Nice? N'importe où je vous dirais à priori, je suis sûre que je me sentirais bien. Mettons un mourvèdre en Bandol.

"C'est ici, sur ce terroir exceptionnel de Bandol, que le cépage mourvèdre trouve la plus belle de toutes ses expressions. Capricieux, le mourvèdre a besoin de beaucoup de soleil. Pour apporter la finesse et l'élégance que l'on trouve dans les vins rouges qu'il produit, il lui faut être fortement tempéré; ainsi, le rôle du vent frais venu de la mer est ici capital et à prendre dans la totale compréhension de ce terroir." (Benoit France, Le Grand Atlas des vignobles de France).

Si vous me plantez sous forme de mourvèdre (en passant un cépage au cycle de vie les plus longs) en Bandol, je suis sûre qu'avec vos bons soins, l'ensoleillement, les vents, la Méditerannée, on fait un sacré bon vin.

Bon, c'est pas très sérieux mon affaire, puisque je viens de me réincarner en cépage... mais si je vous donne le goût de boire un rosé de Provence ou un rouge voluptueux de Bandol, j'aurai au moins réussi ça, à vous faire boire un bon vin!

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