vendredi 26 février 2010

Promesses non tenues

Je vous avais promis la suite de mes cours à l'ITHQ sur l'Italie et les États-Unis, et je suis incapable pour le moment de trouver l'angle avec lequel vous rendre ça intéressant.

Primo, je ne suis pas une adepte des vins du Nouveau monde, et les États-Unis ne m'attirent pas spécialement, si ce n'est le climat de certaines zones viticoles. Manque de pot, ma prof non plus n'est pas très convaincue ni convaincante sur les vertus des vins fabriqués chez nos voisins du Sud.

Secundo, mon prof sur les vins italiens se défend bien d'être un chauvin Français, mais n'en reste pas moins qu'aucun vin italien dégusté jusqu'à maintenant n'a trouvé grâce à son palais.

Comme la dégustation est un exercice extrêmement subjectif, vous voyez dans quelles conditions je me trouve cette session-ci. Pas facile de me dégager de l'influence du groupe ni de celle des profs pour me faire ma propre idée. Même pas sûre d'y arriver.

Au dernier cours sur l'Italie, je me disais "mais merde c'est pas possible que tous les Italiens qui font du vin soient dans le champ".

Bref, je vais tenter de remettre de l'ordre dans mes idées pendant le week-end pour vous expliquer à ma façon c'est quoi le malaise ou le clivage que je perçois en ce moment.

Ciao.

samedi 6 février 2010

La chimie du goût : mariage, séparation ou divorce?

Le fascinant monde des interactions gustatives est divisé en deux types :
- les interactions simultanées : les saveurs de base interagissent l'une sur l'autre;
- les interactions successives : la perception des saveurs varie selon leur succession.

Interractions simultanées
  • l'amer est moins bien perçu s'il y a du sel (imaginez du sel dans un café ou dans une bière);
  • l'addition d'un peu d'acide à une solution salée augmente la perception du salé (jus de citron sur des huîtres);
  • l'addition de sel diminue la perception de l'acidité (lorsque vous salez un jus de tomate);
  • l'addition de sucre diminue la perception de l'acide (lorsque vous sucrez un jus de tomate);
  • ainsi, les goûts sucrés et les goûts acides se masquent (seule l'intensité est diminuée);
  • de même, les goûts sucrés et les goûts amers se masquent;
  • si vous ajoutez du sel à un mélange sucré-amer, vous diminuerez la perception de l'amer et augmenterez celle du sucre.

Interractions successives

  • si vous mangez un bonbon (sucré) avant une pomme (acide), votre pomme vous semblera encore plus acide;
  • si vous mangez un fruit (acide) avant un bonbon (sucré), votre bonbon vous semblera plus sucré;
  • si vous mangez un pamplemoussse (amer) avant de boire de l'eau, l'eau vous semblera plus sucrée;
  • même chose si vous mangez un artichaut (amer) avant de boire de l'eau, l'eau vous semblera plus sucrée.

Exemples d'interférences des aliments :

Viande - augmente le seuil des sensations sucrées et acides, mais diminue le seuil des goûts salés et amers.

Salade verte - diminue le seuil des sensations sucrées et acides, mais augmente le seuil des goûts salés et amers.

Fromage ou citron - perturbe la sensibilité des 4 goûts (sucré, salé, acide, amer).

Pas étonnant alors que l'appréciation d'un vin varie énormément selon qu'on le boit avant ou pendant le repas et selon l'ordre des plats qu'il accompagne.

Quand on choisit un ordre logique de présentation des vins, il faut tenir compte de quelques effets de contraste : un vin blanc sec paraît plus acide après un vin doux et un vin rouge tannique paraît plus ferme après un vin rouge souple. Toute dégustation digne de ce nom repose sur un judicieux classement des vins. À Bordeaux, par exemple, lors des dégustations professionnelles, on goûte les vins rouges en premier, des plus légers aux plus corsés. On continue par les vins blancs secs, et on termine par les vins doux dans l'ordre des taux de sucre.

Sur les 4 goûts élémentaires, 1 seul est agréable : le goût sucré. Les autres sensations à l'état pur sont déplaisantes et ne sont supportées que si elles sont équilibrées. Pour nous faire la démonstration, Pascal nous a fait déguster lors de différents exercices des solutions à base d'acide tartrique, d'acide lactique et d'acide malique, une solution à base de caféine, et une autre contenant de la saccharose.

Pour qu'un vin paraisse harmonieux, il est indispensable que l'intensité des goûts sucrés équilibre les intensités des saveurs acides, amères et astringentes.

Que dire maintenant des aliments et des vins. Principe de base : les solides de par leur texture et leur richesse en éléments qui tapissent le palais communiquent des sensations gustatives qui perdurent plus longtemps que les liquides. On peut déguster le vin avant le plat et le terminer après celui-ci. Mais si on déguste ensemble le vin et le plat, il y a deux façons de déguster : le plat puis le vin (le vin modifie le plat), ou le vin puis le plat (le plat modifie le vin). En fonction de l'ordre, on n'aura pas les mêmes réactions ou du moins pas de la même puissance.

En guise de pratique, Pascal nous a fait déguster deux excellents vins blancs, dont un vin jaune et un liquoreux, et deux superbes vins rouges, que nous avions à déguster avec une série de condiments et d'aliments (pomme verte, citron, pamplemousse, endive, fromage de chèvre, fromage "vieux comté", saucisson à l'ail, sucre, sel et j'en oublie). Pour chaque vin, on dégustait d'abord le vin, puis ensuite on faisait se succéder en bouche aliment ou condiment et vin. Ce soir-là mon voisin de table s'est éclaté sur un accord vin-mets qu'il ne connaissait pas (il travaille en restauration) : après une bouchée de citron et une gorgée du Côteaux du Layon, il déclinait tous les desserts inimaginables à base de citron qu'il pourrait éventuellement servir avec un liquoreux.

Il y a bien sûr des alliances classiques. En France, les accords vins et les plats se déclinent surtout par région : un époisses et un marc de Bourgogne, un Vieux Comté et un vin jaune du Jura, un crotin de Chavignol et un Sancerre dans la Loire, un coq au vin et un Chambertin, agneau et Pauillac, huîtres et Muscadet.

Il y aussi les mariages classiques dictés par le goût : l'acidité d'un plat à laquelle on associe celle d'un vin, les arômes d'un plat qu'on marie à ceux du vin, une sauce onctueuse qu'on accompagne volontiers d'un vin charnu et opulent, et si elle est foncée, de préférence d'un vin rouge soutenu; quoi de mieux avec l'iode des coquillages qu'un vin blanc minéral; les gibiers s'entendent bien avec les vins rouges épicés et viandés (Syrah du Rhône Nord, par exemple) et enfin les vins liquoreux avec le dessert, ou pour un effet de contraste, avec un fromage bleu.

En contrepartie, y a des désaccords (divorces) qu'il faut à tout prix éviter : de façon générale, vin rouge et fromage, poisson et vin rouge (à moins d'un rouge léger comme un Saumur-Champigny), viande rouge et vin blanc (tiens, j'ai jamais tenté l'expérience... faudrait essayer avec un blanc boisé), champagne brut et dessert, vin doux (sucre résiduel) et sauce aigre-douce (ouash!).

Si on veut faire des accords de contraste ou d'opposition, au lieu de servir la poularde à la crème avec un vin blanc riche et onctueux qui mettra en évidence la richesse de la sauce, on peut jouer avec un blanc sec et vif qui s'opposera à la crème et mettra en valeur la nervosité. Quand on sert l'huître avec du Muscadet, on se trouve à opposer le gras de celle-ci avec l'acidité de celui-là. Si on sert le steak au poivre avec un vin rouge structuré, tannique et puissant, on fait ressortir le côté poivré, alors que si on choisit comme compagnon un vin rouge léger de type gamay (Beaujolais), on va adoucir l'ensemble.

Bref, les contraires s'attirent et les accords se réalisent en équilibrant les oppositions par la médiation d'un tiers (sinon c'est la séparation et le divorce!). Un plat avec une sauce crémeuse peut faire frétiller un vin blanc sec et minéral (la crème allonge le vin). C'est un des grands secrets de la cusine : ce sont davantage la garniture, la crème et la sauce qui permettent l'harmonie, pas la viande ou le poisson comme tel. Il faut également s'amuser à jouer avec les textures.

Il y a aussi ce qu'on appelle des catalyseurs d'alliance. Ce sont souvent des aromates qui déclenchent et accélèrent les réactions gustatives. Encore là, on peut privilégier des catalyseurs qui vont dans le même sens que le vin : civet au romarin avec vin du Languedoc, chocolat au beurre de noisette avec porto blanc, salade de fruits de mer au pamplemousse avec un Sancerre, cacao et Banyuls, noix et vin jaune.

D'autres catalyseurs peuvent créer une réaction de surprise (un parfum peut en révéler un autre) :

  • le safran augmente les notes florales des vins blancs et les notes fruitées des vins rouges;
  • l'ail fait ressortir le côté truffe d'un Cahors;
  • le citron joue sur le fruité des vins.

Un mot sur la cuisson : la chaleur augmente les perceptions et elle modifie les saveurs, pour le meilleur ou le pire (le café bouillu est foutu, le poivre cuit est moins fort que le poivre cru). Par ailleurs, les parfums élémentaires sont dégradés par la cuisson (sous l'effet de la chaleur, les composants se mêlent, s'influencent, se renforcent ou s'annihilent).

En matière d'accords, il importe de retenir que le sucre d'un plat augmente la perception acide d'un vin; que l'acidité élevée d'un plat va abaisser celle du vin qui paraîtra plus gras, et inversement, qu'un vin très acide servi sur un plat gras va donner une apparence plus légère au plat; qu'un plat amer va accentuer l'amer du vin (mais que par contre l'acidité et le sel peuvent atténuer cette amertume); et enfin, les tanins s'adoucissent sur le gras.

En conclusion, la chimie du goût repose sur quelques grands principes, mais y a pas de règle précise à suivre. Il faut voir cela comme un grand terrain de jeu où on peut s'amuser en toute liberté. Place à l'improvisation, avec ce qu'on a sous la main. On peut moduler des accords à l'infini. François Chartier avec son livre Papilles et molécules nous ouvre en quelque sorte de nouvelles pistes et je compte bien en explorer quelques-unes au cours de la prochaine année.

Si vous avez envie de me suivre dans ce modeste blog, je vous reviens très bientôt avec deux volets qui vont se chevaucher au fil des semaines : les vins des États-Unis et les vins d'Italie.

Les paramètres de la dégustation

La dégustation est fondamentalement un exercice subjectif, mais dans certaines conditions l'expérience peut s'avérer optimale. En fait, les difficultés de la dégustation consistent à se libérer des facteurs extérieurs et des diverses formes de suggestion capables de modifier nos perceptions.

Exemple. Imaginez-vous en train de déguster un même vin : 1) debout dans le cadre d'un Salon des vins au Palais des congrès réunissant plus de cinq cent personnes, 2) chez des amis autour d'un bon repas, 3) dans l'intimité de votre foyer avec votre chum ou votre blonde, 4) dans un cours dirigé à l'ITHQ. Le même vin, mais quatre expériences totalement différentes. Quelle expérience sera la plus concluante, la plus agréable, la plus mémorable? Ça dépend...

Outre le cadre de la dégustation, il y a le verre dans lequel on apprécie le vin, le moment de la dégustation (avant, pendant, après le repas) et la fatigue du dégustateur et de son palais (on parle alors de phénomènes de saturation et d'accoutumance).

Et puis chaque dégustateur subit les influences de son milieu (société, parents, amis, médias). On vous sert un vin dont vous connaissez la réputation, il est à parier que vous allez être influencé par ce que vous savez sur ce vin avant même de le sentir et d'y goûter. Vous allez rechercher dans ce vin des caractéristiques auxquelles vous vous attendez selon le ou les cépages dont il est issu. Vous serez influencé par des renseignements comme son prix de vente, le descriptif d'une fiche technique, les critiques que vous avez lues ou entendues sur le produit.

Selon votre état de fatigue ou de bien-être, vous allez peut-être faire des extrapolations à partir d'un simple détail. Vous serez alors dans l'auto-suggestion.

Les facteurs qui interviennent sur l'acuité sensorielle sont donc de deux ordres : l'ambiance de la dégustation et la forme (performance) du dégustateur.

Les sensibilités du dégustateur seront influencées par la température de la pièce (18 degrés étant la température idéale), l'hygrométrie (humidité idéale de 60 %), le calme (l'ouïe au travail gêne les autres sens), ainsi que la couleur et la luminosité de la pièce (les couleurs vives sont défavorables), la couleur de la vaisselle et de la nappe. Semblerait que le vert renforce l'impression d'acide, le bleu, le goût d'amer, le jaune, le salé et le rouge, le sucré (effet améliorant).

Un éclairage violent de même que la pénombre sont à éviter. On doit privilégier la lumière du jour, une pièce aérée et sans odeurs, et une position assise ou debout selon les habitudes du dégustateur.

Mon prof d'analyse sensorielle (Pascal Patron) s'est amusé à nous faire déguster une série de vins dans des conditions variables : musique à fond la caisse, éclairage tamisé, verrerie opaque, mauvaise température de service, etc.

Dans un autre cours sur le service du vin, nous avons expérimenté la dégustation d'un même vin dans plusieurs types de verre. Les différences sont très marquées. Un même vin vous procurera des sensations très différentes selon le verre dans lequel vous le buvez. Essayez à la maison. C'est un très bon exercice pour comprendre l'importance de bien choisir son verre pour mettre en valeur un vin.

Notons également que certains stimuli extérieurs n'auront pas le même effet sur tous les dégustateurs. Si vous ne sentez plus votre propre parfum étant habitué à ce stimulus, peut-être qu'il ne vous dérangera pas pendant la dégustation, mais ce sera un élément nuisible pour les autres dégustateurs autour de vous.

Et puis chaque dégustateur développe des préférences qui vont influencer son appréciation. C'est réconfortant de se reconnaître dans un vin. D'ailleurs, moi qui personnellement n'est pas friande des vins du Nouveau monde, je devrai faire un effort additionnel cette session-ci pour apprécier les vins américains qui me seront présentés dans le cours de Véronique Dalle.

Enfin, il y a l'influence de la température. L'action de la température sur le goût suit des lois physiologiques. Ce sont les taux de sucre, d'acidité, de tanin, de gaz carbonique et le degré alcoolique qui déterminent la meilleure température de dégustation du vin.

Saviez-vous qu'un vin blanc servi à 10 degrés passe à 25 degrés en 10 secondes dans votre bouche? Qu'une très basse température (moins de 6 degrés) anesthésie les papilles? Qu'une température trop élevée augmente la sucrosité? Qu'un vin liquoreux semble moins doucereux à basse température? Qu'un vin à l'acidité prononcée vous paraîtra plus acceptable à basse température? Que la sensibilité au salé, à l'amertume et à l'astringence est plus grande à basse température?

Autres paramètres : le même vin rouge paraîtra brûlant et mince à 22 degrés, souple et coulant à 18 degrés, corsé et astringent à 10 degrés. Plus un vin rouge est tannique, plus il doit être servi tempéré. Seuls les vins rouges ayant peu de tanins peuvent être appréciés frais. Par contre si vous voulez atténuer la vinosité d'un vin (sensation de chaleur), vous aurez avantage à le servir plus frais.

Les températures idéales de service qu'on vous présente dans les divers ouvrages et guides sur le vin sont utiles. Mais rien ne vous empêche d'expérimenter par vous-même. J'ai une copine qui aime boire son vin rouge frais, peu importe qu'il s'agisse d'un bordeaux, d'un bourgogne ou d'un beaujolais. Et bien pour lui faire plaisir, rien ne m'empêche de lui rafraîchir régulièrement son verre, tout en gardant la bouteille à la température idéale de service. Comme quoi, tous les goûts sont dans la nature!

Pour terminer ce CR, je vous propose l'extrait vidéo suivant dans lequel ma prof Véronique Dalle explique très bien comment vous y retrouver dans la gamme des verres à vin.

Analyse sensorielle... la théorie

J'ai négligé mon blog en janvier mais me voilà de retour en ce beau week-end de février. J'ai plusieurs comptes rendus à vous faire et je commence avec des CR sur mes cours d'analyse sensorielle.

Mise en garde : le compte rendu qui suit ne se veut aucunement divertissant. Il s'agit d'un exposé très sommaire et reflétant assez fidèlement mes notes de cours avec quelques éléments glanés ici et là sur le Web.

Des cinq sens que nous possédons, quatre d'entre eux sont impliqués dans la dégustation. Vous aurez deviné qu'il s'agit de la vue, de l'odorat, du goût et du toucher. Quoique pour les vins effervescents ou la bière, on pourrait toutjours se servir de l'ouïe pour "écouter" les bulles et la mousse.

La vue qui compte pour la moitié de l'activité du cerveau nous renseigne sur la couleur et l'apparence générale du produit analysé. L'appréciation qu'on fait de la couleur d'un vin (teinte, luminance, saturation) dépend de son épaisseur et de sa turbidité. Quand on apprécie l'apparence, on s'attarde aux jambes aussi appelées larmes du vin. Ces coulisses qu'on voit se former sur les parois du verre ne sont pas un indicateur de la teneur en glycérol du vin ni de son gras mais bien de sa teneur en alcool. Ainsi, un vin aux larmes denses est un vin à forte teneur en alcool.

L'odorat est toujours en alerte et il compte pour 95 % de l'expérience dégustative. La masse d'information que nous emmagasinons sur un vin entre dans le cerveau par la voie nasale et rétro-nasale. Le nez détecte un grand nombre de composés volatils d'un poids moléculaire compris entre 300 et 500 qui sont des signaux odorants. L'organe de détection des odeurs se loge au sommet des fosses nasales et celui-ci est balayé lors des inspirations. La détection des molécules se fait par les voies olfactive ou rétro-olfactive. L'essentiel de ce qu'on appelle le goût est en fait l'odeur.

Notre organe de détection consiste en une muqueuse (2,5 cm carrés) recouverte de mucus, qui comprend environ 50 millions de cellules ciliées, ce qui permet d'augmenter la surface de contact à 500 cm carrés. Le mucus est constitué de polysaccharides et de glycoprotéines qui retiennent de l'eau. La détection des odeurs a donc lieu dans l'eau.

Les neurodétecteurs olfactifs sont parmi les rares neurones qui se regénèrent en permanence. C'est pourquoi nous jouissons d'un nez éternellement jeune et que nous ne perdons jamais l'odorat. À la surface des cils se trouvent des récepteurs de faible spécificité et affinité qui reconnaissent la forme de molécule dans l'espace et non sa formule brute (une molécule peut se lier à plusieurs récepteurs et inversement). L'ensemble des récepteurs (un millier) dont dispose un individu lui est spécifique, d'où l'aspect subjectif du goût. Ainsi, il n'y a pas de meilleurs dégustateurs, mais des individus plus forts sur une série de molécules.

Le goût est le sens grâce auquel on perçoit les saveurs propres aux aliments (sapidité). C'est par le goût qu'on discerne ce qui est bon. Il s'agit d'un sens intuitif et qui varie selon nos penchants particuliers. Une partie du goût est innée, et l'autre, acquise. Le goût s'éduque et il est modulé par notre entourage (pays, coutume, famille, société, amis, école, publicité...).

Le sens du goût, localisé sur la langue, fait référence à la somme des sensations perçues lors de la mise en bouche d'un aliment ou d'un liquide. Ainsi, la langue est tapissée de papilles gustatives qui contiennent les bourgeons du goût dans lesquels sont situés les récepteurs chimio-sensitifs.

Il existe deux types de stimulus gustatif : les stimuli ioniques (acide et salé) et les stimuli moléculaires (sucré et amer). Les molécules sapides sont innombrables, alors outre le classement classique des sensations gustatives qu'en Occident nous répertorions en quatre catégories, soit le sucré, le salé, l'acide et l'amer, rappelons-nous que nos récepteurs détectent bien plus que 4 types de molécules.

La localisation sur la langue des quatre goûts était traditionnnellement la suivante (mais ce modèle est un peu dépassé de nos jours) : le sucré se détecte surtout sur le bout de la langue, le salé sur les côtés avant, l'acide sur les côtés arrière et l'amer au fond de la langue.

Composés représentatifs des quatre principales sensations gustatives :
Sucré : saccharine, aspartame, fructose, glucose, sucrose
Acide : acide acétique, acide citrique, acide chlorhydrique
Salé : chlorure de sodium, chlorure de potassium, chlorure de calcium
Amer : caféine, quinine, sulfate de magnésium, nicotine, morphine, strychnine

Composés propres à d'autres sensations gustatives :
Umami : monosodium glutamate, L-arginine, L-glutamine
Métallique : sulfate ferreux
Alcalin : bicarbonate de soude

En quoi consiste la perception du goût ? Le plus souvent, nous associons au goût une perception olfactive: en fait lorsque nous goûtons, 80% de la perception est composée d’une odeur (par voie rétro-nasale).

La bouche contient également des récepteurs thermiques, mécaniques et des récepteurs de douleur; aussi la température et la texture des aliments influencent la perception de leur goût. C'est là qu'intervient le sens du toucher. Parmi les sensations tactiles que nous décelons en bouche, il y a l'astringence, le gras, le pétillant et la chaleur.

À titre d'exemple, le piment donne une sensation de chaleur, et la menthe, de fraîcheur. L'astringence est une réaction des muqueuses à certains composés, dont les tanins.

La salive joue un rôle important dans la dégustation. En dissolvant les substances sapides, elle permet la perception des saveurs. Au contact du sucre, notre salive devient plus onctueuse et épaisse, au contact de l'acide, elle devient fluide et abondante. Le débit salivaire affecte la perception : trop de salive dans la bouche peut diluer les saveurs alors qu'une bouche sèche est moins réceptive aux perceptions.

Outre la salive, nos seuils de perception des saveurs sont influencés par bien d'autres variables. Nous y reviendrons dans un autre CR sur l'analyse sensorielle.

Saviez-vous que certaines personnes souffrent de troubles liés au goût (agueusie : absence de sensibilité gustative) ou à l'odorat (anosmie : perte progressive de l'odorat)? Wikipédia vous renseignera mieux que moi à ce sujet. Toujours est-il que quand le prof a fait allusion à l'agueusie, certains d'entre nous étaient sans équivoque : mieux vaut perdre la vue ou l'ouïe que de perdre le goût ou l'odorat.

En résumé, le goût du vin n'est pas une propriété exclusive du vin, mais une construction mentale (représentation) résultant de l'interaction d'un vin avec un sujet dans des conditions particulìères. Pour faire plus simple, disons que le goût du vin n'est pas dans le verre mais dans la tête. Vous l'avez déjà expérimenté, j'en suis sûre. Le goût d'un même vin change en fonction des individus qui le dégustent et des lieux ou moments où il est dégusté.

Le prochain CR portera justement sur les aléas de la dégustation.