mercredi 18 novembre 2009

Bordeaux au pilori

Bon, ce soir, je fais dans le post "humeur" ou post "état d'âme", c'est comme vous voulez. Bien sûr, comme vous tous (ouais... mon public en délire!), j'ai dû faire quelques deuils dans ma vie, et cette semaine, la mort dans l'âme, il m'a fallu enterrer Bordeaux. D'abord, parce que j'ai pu les moyens de me payer quelque chose de qualitatif et d'intéressant dans cette région (à moins qu'on se mette une gang autour de la table, pis qu'on se cotise pour une dégustation digne de ce nom), et puis parce que ma prof Véronique Dalle a passé les deux derniers cours de lundi et mardi à faire du "Bordeaux bashing".

Selon Véronique, un terroir épuisé, fatigué, en manque d'inspiration, victime de ses ambitions, et j'en passe. Je me suis tapée toutes ses récriminations sur cette région, qui pour moi, à la base, était ma toute première initiation au vin. C'est con, je sais, mais ça touche à l'enfance. Mes parents achètaient "l'insipide" Mouton-Cadet quand j'avais 8 ou 10 ans, peu importe. C'était le vin du dimanche midi ou soir avec le filet de boeuf. J'avais le droit d'en boire et c'était génial pour moi à cette époque. Plus tard, ado, j'ai continué à m'intéresser au vin et je suis allée pour la première fois en Europe en 1980. J'y ai célébré mes vingt ans, dans la région de Bordeaux.

Revenue au Québec, j'ai continué à boire les fameux millésimes de Bordeaux dans les années 1980. Dans les années 90, je me suis intéressée à François Chartier et à son club de vins. Encore là, outre mes incursions dans d'autres régions françaises ou ailleurs dans le monde (surtout en Italie à cette époque), je continue d'approfondir Bordeaux. Je fais un voyage de vin mémorable dans cette région avec le club de dégustation de François Chartier en 1995. Mouton-Rotschild, Lynch-Bages, Palmer, Cos d'Estournel, Pichon-Longueville-Baron, Pavie, Pape Clément, Pétrus, Yquem... et quelques autres. À Saint-Émilion, après le lunch bien arrosé du midi, et avant le gastronomique du soir chez Pavie, incursion chez un caviste... j'achète mon seul et unique Cheval-Blanc à vie, millésime 1986, après discussion avec Chartier. Un de mes comparses s'achète un magnum de Le Pin. Juste en vous écrivant ces quelques lignes, toute l'émotion de ce voyage et de ces purs instants de bonheur me revient comme les Madeleines de Proust. Quand j'ai dégusté chez Yquem, un certain jour de juin 1995 en matinée, mes yeux sont devenus vert émeraude tellement j'étais au paradis. Je pourrais vous raconter pendant des heures toutes les émotions de ma vie associées pour moi au vignoble de Bordeaux. Avec Chartier, j'ai fait à Montréal une verticale d'Angélus qui comprenait notamment les millésimes 1989 et 1990 et j'étais attablée avec le couple propriétaire du Château (d'où le nom de mon blog). Je me souviens qu'on discutait autour de la table des préférences de la famille De Bouärd sur les millésimes phares 89 et 90. Le grand-père misait sur le 89 si me je souviens bien pour ce qui est du potentiel de vieillissement, mais ses descendants autour de la table avaient un petit penchant pour le 90. Mon choix, ce soir-là, avait été le 89 (comme pépé De Bouärd et Robert Parker dans son édition Bordeaux, 1999). Après Chartier, j'ai continué avec le courrier Vinicole à déguster les grands Bordeaux des millésimes subséquents. J'ai réussi à acheter quelques grands crus dans ma vie, dont un Latour, un Mouton et un Lafite, millésime difficile, le 1993, tous bus à l'heure où j'écris ces lignes (en 2006 et 2007 si me rappelle bien).

Alors, j'ai dû me rendre à l'évidence cette semaine, que cette époque de ma vie et celle de mon attachement bordelais est bel et bien révolue. C'est triste et joyeux à la fois, puisqu'un deuil de mon vivant ne peut que se transformer en renaissance. Je continue d'évoluer, le monde du vin aussi. Sans renier mon passé, je poursuis ma quête.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire