samedi 6 février 2010

Les paramètres de la dégustation

La dégustation est fondamentalement un exercice subjectif, mais dans certaines conditions l'expérience peut s'avérer optimale. En fait, les difficultés de la dégustation consistent à se libérer des facteurs extérieurs et des diverses formes de suggestion capables de modifier nos perceptions.

Exemple. Imaginez-vous en train de déguster un même vin : 1) debout dans le cadre d'un Salon des vins au Palais des congrès réunissant plus de cinq cent personnes, 2) chez des amis autour d'un bon repas, 3) dans l'intimité de votre foyer avec votre chum ou votre blonde, 4) dans un cours dirigé à l'ITHQ. Le même vin, mais quatre expériences totalement différentes. Quelle expérience sera la plus concluante, la plus agréable, la plus mémorable? Ça dépend...

Outre le cadre de la dégustation, il y a le verre dans lequel on apprécie le vin, le moment de la dégustation (avant, pendant, après le repas) et la fatigue du dégustateur et de son palais (on parle alors de phénomènes de saturation et d'accoutumance).

Et puis chaque dégustateur subit les influences de son milieu (société, parents, amis, médias). On vous sert un vin dont vous connaissez la réputation, il est à parier que vous allez être influencé par ce que vous savez sur ce vin avant même de le sentir et d'y goûter. Vous allez rechercher dans ce vin des caractéristiques auxquelles vous vous attendez selon le ou les cépages dont il est issu. Vous serez influencé par des renseignements comme son prix de vente, le descriptif d'une fiche technique, les critiques que vous avez lues ou entendues sur le produit.

Selon votre état de fatigue ou de bien-être, vous allez peut-être faire des extrapolations à partir d'un simple détail. Vous serez alors dans l'auto-suggestion.

Les facteurs qui interviennent sur l'acuité sensorielle sont donc de deux ordres : l'ambiance de la dégustation et la forme (performance) du dégustateur.

Les sensibilités du dégustateur seront influencées par la température de la pièce (18 degrés étant la température idéale), l'hygrométrie (humidité idéale de 60 %), le calme (l'ouïe au travail gêne les autres sens), ainsi que la couleur et la luminosité de la pièce (les couleurs vives sont défavorables), la couleur de la vaisselle et de la nappe. Semblerait que le vert renforce l'impression d'acide, le bleu, le goût d'amer, le jaune, le salé et le rouge, le sucré (effet améliorant).

Un éclairage violent de même que la pénombre sont à éviter. On doit privilégier la lumière du jour, une pièce aérée et sans odeurs, et une position assise ou debout selon les habitudes du dégustateur.

Mon prof d'analyse sensorielle (Pascal Patron) s'est amusé à nous faire déguster une série de vins dans des conditions variables : musique à fond la caisse, éclairage tamisé, verrerie opaque, mauvaise température de service, etc.

Dans un autre cours sur le service du vin, nous avons expérimenté la dégustation d'un même vin dans plusieurs types de verre. Les différences sont très marquées. Un même vin vous procurera des sensations très différentes selon le verre dans lequel vous le buvez. Essayez à la maison. C'est un très bon exercice pour comprendre l'importance de bien choisir son verre pour mettre en valeur un vin.

Notons également que certains stimuli extérieurs n'auront pas le même effet sur tous les dégustateurs. Si vous ne sentez plus votre propre parfum étant habitué à ce stimulus, peut-être qu'il ne vous dérangera pas pendant la dégustation, mais ce sera un élément nuisible pour les autres dégustateurs autour de vous.

Et puis chaque dégustateur développe des préférences qui vont influencer son appréciation. C'est réconfortant de se reconnaître dans un vin. D'ailleurs, moi qui personnellement n'est pas friande des vins du Nouveau monde, je devrai faire un effort additionnel cette session-ci pour apprécier les vins américains qui me seront présentés dans le cours de Véronique Dalle.

Enfin, il y a l'influence de la température. L'action de la température sur le goût suit des lois physiologiques. Ce sont les taux de sucre, d'acidité, de tanin, de gaz carbonique et le degré alcoolique qui déterminent la meilleure température de dégustation du vin.

Saviez-vous qu'un vin blanc servi à 10 degrés passe à 25 degrés en 10 secondes dans votre bouche? Qu'une très basse température (moins de 6 degrés) anesthésie les papilles? Qu'une température trop élevée augmente la sucrosité? Qu'un vin liquoreux semble moins doucereux à basse température? Qu'un vin à l'acidité prononcée vous paraîtra plus acceptable à basse température? Que la sensibilité au salé, à l'amertume et à l'astringence est plus grande à basse température?

Autres paramètres : le même vin rouge paraîtra brûlant et mince à 22 degrés, souple et coulant à 18 degrés, corsé et astringent à 10 degrés. Plus un vin rouge est tannique, plus il doit être servi tempéré. Seuls les vins rouges ayant peu de tanins peuvent être appréciés frais. Par contre si vous voulez atténuer la vinosité d'un vin (sensation de chaleur), vous aurez avantage à le servir plus frais.

Les températures idéales de service qu'on vous présente dans les divers ouvrages et guides sur le vin sont utiles. Mais rien ne vous empêche d'expérimenter par vous-même. J'ai une copine qui aime boire son vin rouge frais, peu importe qu'il s'agisse d'un bordeaux, d'un bourgogne ou d'un beaujolais. Et bien pour lui faire plaisir, rien ne m'empêche de lui rafraîchir régulièrement son verre, tout en gardant la bouteille à la température idéale de service. Comme quoi, tous les goûts sont dans la nature!

Pour terminer ce CR, je vous propose l'extrait vidéo suivant dans lequel ma prof Véronique Dalle explique très bien comment vous y retrouver dans la gamme des verres à vin.

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